Biographie du couple
Paris
Lorsque Nicole Guy rencontre Michel Anasse en 1955, ils ont respectivement 18 et 20 ans.
Elle vient de quitter sa Bresse natale pour s’installer auprès de ses sœurs à Paris et se destine à une carrière de secrétaire médicale.
Michel vit à Ménilmontant. Entre 1950 et 1952, son père, Maurice Anasse, le forme au dessin et à la lithographie. C’est en livrant des affiches au théâtre Saint-Martin à Paris qu’il rencontre et se lie d’amitié avec Marcel Marceau, dit le Mime Marceau.
Il fait un stage de marbrier, réalise ses premiers modelages en terre. Il fréquente les ateliers d’artistes dont celui de François Stahly qui l’invite à travailler avec lui et rencontre le sculpteur Philolaos Tloupas, dit Philolaos qui le forme à la soudure sur métal.
En parallèle, membre des « Jeunes Ailes » groupe affilié à l’ACCM, Aéroclub Central des Métallurgistes, Michel apprend à piloter sur un Stampe SV-4 à Persan-Beaumont dans le Val-d’Oise.
Lors d’une première visite à Vallauris en 1953, il est accueilli par Robert Auguste qui lui apprend à tourner. En 1954 il séjourne à La Borne, rencontre et se lie d’amitié avec Yves Mohy, Jean Linard, Anne Kjærsgaard et Robert Héraud avec qui il construit un premier four à bois à Sancerre. En 1955, il découvre la tapisserie au domicile parisien de Jean Lurçat et se rend pour la seconde fois à Vallauris.
Vallauris
En plein mythique âge d’or de la céramique à Vallauris suite à l’installation de Picasso en 1948, la perspective d’une vie nouvelle attire Nicole et Michel.
En 1956, ils quittent alors Paris pour Vallauris en Vespa.
Ils se marient et s’installent dans un cabanon dépourvu d’eau et d’électricité, sur les hauteurs de Vallauris avec vue sur la mer et la montagne.
Ils fabriquent leurs meubles en fer et en osier, leur vaisselle en céramique qu’ils tournent et émaillent eux-mêmes. En parallèle, Nicole est décoratrice chez Jean Rivier et Les Argonautes pendant que Michel rassemble les matériaux pour construire un four à bois autour duquel ils aménagent un atelier : l’atelier des Issarts.
C’est le début d’un travail à quatre mains de plusieurs décennies durant lesquelles le couple réalise des pièces uniques refusant la production en série.
Ils se lient d’amitié avec Jean Derval, Roger Capron, Gilbert Portanier, Raty et Georges Tabaraud (ami et, un temps, secrétaire de Picasso).
En 1957, Nicole crée des coqs et des chouettes, Michel crée ses premières sculptures en fer. Lors de la première exposition Autour de Picasso, dans le hall du Nérolium à Vallauris où ils ont un stand, ils rencontrent Picasso qui félicite Michel et l’encourage à poursuivre son œuvre.
Dès 1958 l’atelier des Issarts devient un lieu de passage obligé. De nombreux artistes céramistes, peintres, sculpteurs, musiciens et collectionneurs s’y rendent lors de leurs passages sur la Côte d’Azur.
En 1959, ils rencontrent Élise et Célestin Freinet à Vence. Durant plusieurs années, Michel intervient à l’école Freinet et réalise sur place des fresques et des modelages avec les élèves.
1961 voit la naissance de Sylvestre, leur premier enfant.
Michel exécute des sculptures zoomorphes de plus en plus grandes. Nicole réalise des modelages tout aussi importants. Ils sont invités à de nombreuses expositions aux États-Unis, au Japon et en Europe. Michel construit un four à bois chez Catherine et Robert Hérault à Sancerre. Le couple expose à Paris, Stockholm, Rome, New-York…
1963 voit la naissance de Gaël, leur deuxième enfant.
Le couple participe à de nombreuses expositions personnelles et collectives.
En 1965, Michel reçoit le Prix Malraux des jeunes artistes de la Biennale de Paris.
De 1966 à 1970 le couple expose en Europe, en Asie et aux États-Unis.
Ils accueillent de jeunes stagiaires en provenance du Japon, des États-Unis et d’Angleterre qu’ils forment au tournage et à la sculpture.
Leurs deux fils grandissent parmi les céramiques et les sculptures, ce sont les premières approches avec le fer et l’argile.
En 1972, Michel rencontre Bruno D’Auzon et Francis Dhomont, musiciens électro-acoustique. Ce dernier, inspiré par les Volumes éclatés, compose Assemblages qui comportent trois mouvements : Agréagats, Strates et Énergies pour accompagner leur présentation dans la Galerie Le Scorpion, Les Baux de Provence.
L'atelier des Isssarts
L’atelier est sommaire, trois murs en pierres sèches recouverts de tôles protègent du vent et de la pluie un four à bois situé au centre du cabanon. Un tour à pied est adossé dans un angle et une caisse en bois, faisant office de cabine d’émaillage (fonctionnant aux courants d’air), est posée face à un trou dans le mur.
Tout est assemblé avec des matériaux de seconde main, le tout transporté en Vespa ou à dos d’homme par des sentiers muletiers depuis le centre de Vallauris situé alors à plus de deux kilomètres de distance.
Cela n’empêchera pas Nicole et Michel Anasse de produire ici la majorité de leurs plus belles pièces.
Dans le village, chaque rencontre est sujet à des échanges ; l’un parle de sa dernière cuisson, un autre donne quelques conseils sur les émaux, chacun y va de son expérience, partage ses astuces, indique les bonnes adresses.
C’est ainsi que Vallauris s’ouvre à Nicole et Michel Anasse, avec la complicité de Roger Capron, Jean Derval et Gilbert Portanier ; c’est aussi les premières rencontres avec Picasso, l’âge d’or de Vallauris.
Ce n’est qu’au début des années 70, période où le quartier commence à se métamorphoser que l’eau et l’électricité sont acheminées vers le cabanon. Une route est tracée et les livraisons par camion sont devenues possible, un tour électrique est installé et l’atelier se voit doté d’un nouveau four à gaz d’un mètre cube.
Mais ce qui pourrait être considéré par certains comme une avancée vers le confort et une amélioration de qualité de vie et de travail, est vécu par le couple comme une déchirure, un traumatisme.
En effet, avec sa vue mer imprenable, l’endroit se transforme en un secteur résidentiel et les villas commencent à pousser dans un lieu jusque là désert et préservé. Le four à bois et l’atelier de soudure deviennent très vite une nuisance pour le voisinage et c’est le début de la fin de l’atelier des Issarts.
Pour Nicole et Michel Anasse cela devient problématique et incompatible avec leur choix de vie, ils décident alors de partir à la recherche d’un nouveau lieu.
Alpes de Haute-Provence
En 1973, Nicole et Michel découvrent la vallée de l’Ubaye dans les Alpes-de-Haute-Provence.
Ils achètent une ferme dans le hameau de la Frache et y construisent plusieurs fours à bois. L’atelier de la Frache voit le jour. Ils s’éloignent peu à peu de Vallauris et s’y installent définitivement en 1987.
Nicole poursuit son travail personnel et réalise de grands modelages. Michel exécute ses premières sculptures monumentales en pierre et peint des toiles de grands formats.
De 1978 à 1994, Michel réalise trois sculptures monumentales, commandes d’État pour Menton (06), Bouc Bel-Air (13) et Digne-les-Bains (04) et deux commandes publiques pour Barcelonnette (04) et le village d’Auzet (04).
En 1995, ils quittent la Frache et s’installent à Saint-Paul-sur-Ubaye.
Le couple expose à Paris, Cannes, Vence, Lyon, Washington…
En 2003, ils aménagent un nouvel atelier au sein d’anciennes écuries militaires au bord de l’Ubaye. Michel y accomplit des sculptures monumentales en bois et en fer. Dans une annexe, Nicole pratique le modelage.
Le couple y organise de nombreuses expositions estivales, présentent leurs œuvres ainsi que le travail de leurs ami·es peintres et sculpteurs.
De 2004 à 2011, ils exposent à Paris, Barjac, Cannes, Mougins, Avignon…
Le 6 septembre 2012, Nicole décède à l’âge de 75 ans.
De 2012 à 2013, suite au décès de son épouse, assisté par son fils Sylvestre, Michel accomplit une série de sculptures et de modelages en terre à Creuset qui seront exposés à Barcelonnette, Gordes et l’Isle-sur-la-Sorgue.
43 ans après avoir découvert la vallée de l’Ubaye, acquis la dernière ferme encore debout dans le hameau de la Frache, fendu et brûlé des centaines de stères de mélèze pour ses fours à bois, sculpté été comme hiver plus de 200 tonnes de pierre en extérieur, exposé 130 artistes dans ses ateliers, séjourné dans les villages de la haute vallée, Michel décide de tourner la page, de changer d’air, d’opter pour des hivers plus cléments, suivre du regard le devenir de son œuvre, vivre entouré de ses petits enfants, et pourquoi pas se mettre à l’aquarelle et à la sculpture sur allumette…
En 2016, il quitte définitivement la vallée de l’Ubaye pour s’installer en Avignon.
Aux côtés de son fils Gaël, qui lui met à disposition un nouveau lieu de travail, Michel réalise des sculptures en bois sur le thème des Rythmiques.
Le 21 octobre 2020, dessinant jusqu’à la fin, Michel s’éteint à l’aube de ses 85 ans.








